Internet n’a jamais été aussi omniprésent. Sites vitrines, plateformes e-commerce, services bancaires, démarches administratives… tout passe désormais par le web. Mais si l’usage explose, l’exclusion aussi. Aujourd’hui encore, des millions d’utilisateurs (aveugles, malvoyants, dyslexiques, handicapés moteurs) se retrouvent face à des interfaces impossibles à utiliser. À partir du 28 juin 2025, ce sera terminé. La législation impose une mise en conformité massive. La majorité des sites web devront devenir accessibles à tous. C’est une obligation légale, mais surtout une transformation structurelle pour le web français.
- Accessibilité numérique : qui est concerné par la nouvelle loi ?
- Qu’est-ce que le RGAA ? Comprendre les règles d’accessibilité numérique
- 6 actions prioritaires pour améliorer l’accessibilité de votre site web
- Débuter l’accessibilité web : testez votre site gratuitement
- Audit d’accessibilité RGAA/WCAG : 5 solutions open source à connaître
Accessibilité numérique : qui est concerné par la nouvelle loi ?
Aujourd’hui, près d’un Français sur cinq est concerné par un handicap permanent ou temporaire : cécité, troubles moteurs, troubles cognitifs, daltonisme, surdité… Autant de situations qui rendent l’usage d’un site web impossible dès lors que celui-ci ne respecte pas quelques principes simples. Pourtant, une grande partie des services en ligne (commerce, banque, transport, démarches) restent inaccessibles à ces publics. Ce fossé numérique prive des millions de personnes de leur autonomie digitale.
Pour répondre à cette inégalité, la France applique une directive européenne de 2019 qui impose des règles : à partir du 28 juin 2025, les sites et applications de nombreux acteurs privés devront être accessibles. Cette obligation s’ajoute à celle déjà en vigueur pour les services publics depuis 2005. Le texte ne vise pas l’accessibilité totale du jour au lendemain, mais exige un effort réel, documenté et mesurable. Une déclaration d’accessibilité devra être publiée, des corrections mises en place et un plan d’action suivi dans le temps.
Concrètement, sont concernées toutes les entreprises hors micro-entreprises (moins de 10 salariés et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires) qui opèrent dans des secteurs jugés essentiels : banques, assurances, e-commerce, télécoms, transports, plateformes de streaming, distribution de livres numériques, etc. Ce sont ces services du quotidien jugés indispensables que la loi veut rendre utilisables par tous. En cas de non-conformité, des sanctions sont prévues. Mais au-delà de l’obligation légale, c’est une opportunité de mieux inclure et mieux servir.
Qu’est-ce que le RGAA ? Comprendre les règles d’accessibilité numérique
Le RGAA pour Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité est un document officiel qui sert de grille d’évaluation pour savoir si un site web est accessible ou non. Concrètement, c’est une liste de règles techniques à respecter pour permettre à tous les utilisateurs d’accéder à vos contenus numériques. Ce référentiel est utilisé en France par les administrations, mais il peut être appliqué par n’importe quel site.
Le RGAA est directement basé sur des normes internationales, les WCAG (Web Content Accessibility Guidelines), publiées par le W3C. Ces normes reposent sur 4 grands principes fondamentaux, qu’on peut retenir facilement :
- Perceptible : tout le contenu doit pouvoir être perçu, même sans la vue ou l’ouïe (ex. : textes alternatifs pour les images, sous-titres pour les vidéos).
- Utilisable : toutes les fonctionnalités doivent pouvoir être utilisées par tous, même sans souris (ex. : navigation clavier, focus visible, boutons accessibles).
- Compréhensible : les contenus et les interfaces doivent être clairs et prévisibles (ex. : étiquettes de formulaire explicites, messages d’erreur compréhensibles).
- Robuste : le site doit fonctionner avec les technologies d’assistance actuelles et futures (ex. : code propre, compatible avec les lecteurs d’écran).
Le lien entre accessibilité (RGAA) et protection des données (RGPD) est plus étroit qu’il n’y paraît. Les deux visent à garantir des droits fondamentaux dans l’univers numérique : l’un protège la vie privée, l’autre garantit l’accès aux services. Sur le plan juridique comme éthique, ils imposent une responsabilité aux éditeurs de site : celle de respecter la diversité des usages, sans discriminer ni collecter abusivement. Un site accessible, c’est aussi un site respectueux de ses utilisateurs.
6 actions prioritaires pour améliorer l’accessibilité de votre site web
Pas besoin d’être développeur pour améliorer l’accessibilité de votre site. Avant même de parler d’audit ou de mise en conformité complète, certaines actions simples et immédiates peuvent déjà faire une grande différence pour les utilisateurs en situation de handicap. Voici 6 améliorations concrètes à mettre en place rapidement :
1. Ajouter des balises ALT aux images
Chaque image insérée dans une page doit avoir une alternative textuelle (l’attribut alt
) qui décrit son contenu. Cela permet à un lecteur d’écran de “lire” ce que l’image représente. Par exemple, une image de panier d’achat devrait avoir un texte du type : « Bouton vers le panier ». Les images purement décoratives, en revanche, doivent être ignorées (alt=""
).
2. Corriger les contrastes texte/fond
Un texte gris clair sur un fond blanc est difficile à lire pour beaucoup de personnes, notamment celles ayant une déficience visuelle. Utilisez des contrastes suffisamment élevés pour garantir la lisibilité. Des outils gratuits comme Color Contrast Checker vous permettent de tester rapidement vos couleurs.
3. Structurer vos titres correctement (<h1>
, <h2>
, etc.)
Les titres doivent suivre une hiérarchie logique. Un seul <h1>
par page (le titre principal), puis des sous-parties en <h2>
, et ainsi de suite. Cela permet aux technologies d’assistance de comprendre la structure de votre contenu et aux utilisateurs de s’y repérer facilement.
4. Rendre vos formulaires lisibles par un lecteur d’écran
Chaque champ de formulaire (nom, email, commentaire…) doit être associé à un label clair. Le texte affiché à l’écran (ex. : « Adresse e-mail ») doit être techniquement relié au champ à remplir. Cela permet aux utilisateurs de savoir exactement ce qu’ils remplissent, même s’ils ne voient pas l’écran.
5. Tester votre site sans souris (navigation clavier)
Essayez de naviguer sur votre site uniquement avec la touche Tab. Vous devez pouvoir accéder à tous les liens, menus, boutons, champs… sans blocage. Le focus actif (l’élément actuellement sélectionné) doit toujours être visible. Si ce n’est pas le cas, certaines personnes ne pourront jamais interagir avec vos contenus.
6. Ajouter des sous-titres à vos vidéos
Une vidéo sans sous-titres est inutilisable pour une personne sourde ou malentendante. Intégrez systématiquement des sous-titres synchronisés, même pour les vidéos promotionnelles ou tutorielles. Cela profite aussi à ceux qui consultent sans le son (transports, bureau…).
Ces 6 actions, faciles à mettre en œuvre, représentent déjà plus de 50 % des problèmes d’accessibilité constatés sur les sites français. Ce sont des bases essentielles à la fois pour respecter la loi, mais surtout pour construire un web plus inclusif et plus professionnel.
Débuter l’accessibilité web : testez votre site gratuitement
Avant même de penser à un audit complet ou à une mise en conformité totale, il est possible de vérifier soi-même si son site respecte quelques fondamentaux de l’accessibilité numérique. Bonne nouvelle : plusieurs outils gratuits, simples à utiliser, permettent d’identifier les premiers problèmes. En quelques clics, vous pouvez déjà voir ce qui bloque et amorcer des corrections utiles.
Voici deux outils à tester dès aujourd’hui, sans inscription, sans installation complexe :
WAVE : Web Accessibility Evaluation Tool
WAVE est l’un des outils les plus connus pour l’accessibilité. Il permet d’analyser n’importe quelle page web en indiquant visuellement les problèmes détectés (textes sans contraste suffisant, images sans description, titres mal structurés, etc.).
Il suffit de vous rendre sur wave.webaim.org, de coller l’URL de votre page, et le rapport s’affiche instantanément. Chaque erreur ou alerte est surlignée avec une explication claire.

Test en 2 minutes : Copiez l’URL de votre page d’accueil, collez-la dans WAVE et observez les icônes rouges et jaunes sur votre contenu. Passez votre souris dessus : vous verrez à quoi correspond chaque erreur. Pratique et formateur.
Lighthouse (intégré à Google Chrome) ou PageSpeed Insigth
Lighthouse est un outil intégré dans Google Chrome, accessible depuis les outils développeur. Il analyse votre site selon plusieurs critères (performance, SEO, accessibilité…) et vous donne une note d’accessibilité sur 100, accompagnée de recommandations précises.
Test en 2 minutes :
- Ouvrez votre site dans Chrome.
- Faites clic droit > Inspecter > onglet « Lighthouse ».
- Cochez « Accessibilité » puis lancez l’analyse.
- En quelques secondes, vous obtenez un score, une liste des bonnes pratiques appliquées et celles à corriger.
Ces outils ne remplacent pas un audit d’accessibilité complet, mais ils vous permettent déjà de détecter plus de 50 % des erreurs fréquentes. Is vous aident à comprendre l’accessibilité concrètement, en visualisant les problèmes directement sur vos pages. Un excellent premier pas vers une mise en conformité réussie.
Audit d’accessibilité RGAA/WCAG : 5 solutions open source à connaître
Pas besoin de dépenser des centaines d’euros pour savoir si votre site respecte les règles d’accessibilité. Grâce à l’open source, il existe aujourd’hui des outils 100 % gratuits et très performants pour auditer votre site web, détecter les erreurs les plus courantes et amorcer une mise en conformité. Ces solutions offrent tout ce qu’il faut pour progresser sans barrière financière. Voici 5 outils open source à connaître absolument si vous voulez tester l’accessibilité de votre site, sans abonnement, sans limite, et sans dépendre d’un prestataire.
Asqatasun – Audit complet RGAA/WCAG avec interface
Asqatasun est l’un des outils open source les plus aboutis pour réaliser des audits d’accessibilité web. Conçu à l’origine pour répondre aux exigences du RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité), il prend également en charge les standards WCAG. Il permet d’analyser des pages web isolées, des sites entiers, ou même des scénarios de navigation. Son interface graphique facilite la visualisation des résultats, et ses rapports sont exploitables aussi bien par des développeurs que par des décideurs.
L’outil est auto-hébergeable et peut être utilisé en ligne de commande, via une interface web ou en intégration dans un workflow CI/CD. Il propose une documentation riche, une API REST et une gestion fine des profils d’audit. Asqatasun est particulièrement utile pour les collectivités, les grandes entreprises ou les agences web qui souhaitent réaliser des audits réguliers et produire des rapports normés, notamment dans le cadre des obligations légales liées au RGAA.
Pa11y : Ligne de commande + tableau de bord
Pa11y est un outil d’audit d’accessibilité basé sur Node.js, pensé pour la simplicité et l’automatisation. Il fonctionne en ligne de commande, ce qui permet de lancer très rapidement un audit sur une page web en une seule instruction. Le résultat peut être exporté en texte, JSON ou HTML, rendant l’intégration facile dans des outils de supervision ou des pipelines DevOps.
Pour aller plus loin, Pa11y propose aussi un dashboard web (Pa11y Dashboard), qui permet de surveiller l’accessibilité de plusieurs pages dans le temps. Vous pouvez ainsi visualiser l’évolution des erreurs, automatiser les audits quotidiens, et suivre les progrès d’un projet. Léger, extensible, et facile à prendre en main, Pa11y est un excellent choix pour les équipes techniques qui souhaitent intégrer l’accessibilité dans leur process de développement.
Tanaguru Engine : Pour des tests à grande échelle
Tanaguru Engine est un moteur open source conçu pour réaliser des audits à grande échelle, sur des sites comportant des centaines, voire des milliers de pages. Il est particulièrement adapté aux entreprises, administrations ou agences qui souhaitent industrialiser leurs audits. Le moteur est basé sur les normes RGAA et WCAG, avec un haut niveau de précision dans la détection des non-conformités.
Il peut être utilisé en ligne de commande, via une interface web (Tanaguru Service), ou intégré à des outils de supervision. Sa force réside dans sa capacité à effectuer des tests massifs de façon automatisée, tout en générant des rapports détaillés et personnalisables. C’est un outil robuste, utilisé dans de nombreux projets institutionnels en France, et capable de répondre aux exigences d’un plan de conformité à long terme.
axe-core : Un moteur léger pour tests automatisés
axe-core est une bibliothèque JavaScript open source développée par Deque Systems. Elle s’intègre facilement dans n’importe quelle application web ou environnement de test automatisé, comme Puppeteer, Cypress, Playwright ou encore les tests unitaires en Node.js. axe-core repose sur les critères WCAG 2.1 et permet d’automatiser un large éventail de vérifications (structure, contrastes, formulaires, rôles ARIA, etc.).
Ce moteur est également utilisé dans les extensions axe DevTools disponibles sur Chrome, Firefox et Edge, qui permettent d’analyser une page directement depuis l’inspecteur du navigateur. Très léger, rapide, et maintenu activement, axe-core est idéal pour les développeurs qui veulent intégrer des tests d’accessibilité directement dans leur pipeline de développement ou de CI/CD. Il est également à la base de nombreux outils commerciaux, preuve de sa fiabilité.
Testaro : Analyse multi-outils en une passe
Testaro se distingue par son approche originale : il combine plusieurs moteurs de test d’accessibilité en une seule exécution. En s’appuyant sur axe-core, HTML CodeSniffer, IBM Equal Access, et d’autres, il permet de réaliser une analyse très complète couvrant plus de 600 règles. Cela offre une couverture bien plus large qu’un outil unique, tout en produisant un rapport détaillé et hiérarchisé par gravité.
Testaro fonctionne en ligne de commande (Node.js), avec des exports lisibles (HTML, JSON) et des scores de priorité pour chaque problème détecté. Il est particulièrement utile pour les développeurs ou consultants qui souhaitent un audit très approfondi, sans passer par plusieurs outils manuellement. En un mot : Testaro est la solution tout-en-un idéale pour ceux qui veulent pousser leur audit d’accessibilité au maximum tout en restant sur des bases open source.