Vous souvenez-vous de la première bannière clignotante qui vous a promis de gagner un iPhone ? Depuis, la publicité en ligne a troqué les néons contre des algorithmes capables de prédire le jour où vous manquerez de café, elle connaît déjà la marque que vous choisirez pour refaire le plein. Face à cette machinerie affamée de données, les bloqueurs classiques font aujourd’hui figure de parasols dans un ouragan, ils cachent l’annonce, mais laissent intacte l’ossature du profilage. AdNauseam, lui, sort la clé de 12. Au lieu d’esquiver les pubs, il les fait exploser de l’intérieur : il clique, noie les régies sous un torrent de signaux contradictoires et transforme votre identité numérique en puzzle sans bords. Bienvenue dans la désobéissance publicitaire où l’arme n’est plus le silence, mais la saturation.
Qu’est-ce qu’AdNauseam ?
AdNauseam est une extension de navigateur atypique, née en 2014 de la collaboration entre Daniel C. Howe (chercheur en informatique), Helen Nissenbaum (philosophe de l’éthique numérique) et Mushon Zer-Aviv (designer). À la croisée de la contestation et de la technologie, si l’on ne peut empêcher les régies de collecter des données, autant saboter cette collecte. Loin d’un simple outil technique, AdNauseam incarne une forme de protestation numérique contre l’économie de la surveillance, en brouillant volontairement les signaux que nous laissons en ligne.
AdNauseam clique sur les pubs pour protéger votre vie privée
Contrairement aux bloqueurs de pub classiques comme uBlock Origin ou Adblock Plus qui se contentent de masquer les publicités pour améliorer le confort de navigation, AdNauseam bloque l’affichage des pubs mais clique aussi dessus automatiquement, de manière aléatoire, en arrière-plan. Ce comportement vise à semer le doute dans les algorithmes publicitaires en les noyant sous des clics incohérents, qui ne reflètent en rien les véritables centres d’intérêt de l’utilisateur.
L’objectif est de rendre votre profil publicitaire inutile, incohérent, invendable. En introduisant volontairement du bruit dans les données comportementales, AdNauseam affaiblit la pertinence du ciblage, perturbe les modèles prédictifs et transforme l’utilisateur en source de données toxiques pour les régies. Une façon habile de retourner les armes de la surveillance contre ceux qui les brandissent.
Configurer votre navigateur pour activer le support Manifest V2
Depuis 2022, les navigateurs basés sur Chromium (Chrome, Brave, Edge…) bloquent l’installation d’extensions au format .crx
. Pour installer AdNauseam, il faut donc passer par le mode développeur et charger manuellement le dossier source. Ce n’est pas compliqué, mais il faut suivre la procédure à la lettre.
⚠️ Important : la fin du support Manifest V2 sur Chrome (juillet 2025)
Depuis juillet 2025, Google a commencé à désactiver le support des extensions basées sur Manifest V2, ce qui impacte directement le fonctionnement d’AdNauseam. Si vous utilisez Chrome (ou un autre navigateur Chromium), l’extension risque de ne plus fonctionner correctement, voire d’être automatiquement désactivée.
Pour continuer à utiliser AdNauseam malgré cette restriction, voici les étapes à suivre :
- Ouvrez un nouvel onglet et accédez à :
chrome://flags/#allow-legacy-mv2-extension
- Activez l’option intitulée : « Allow legacy Manifest V2 extensions »

- Redémarrez Chrome.
⚠️ Attention : cette solution est temporaire. Google peut supprimer cette option à tout moment sans avertissement.
Pour éviter ces limitations à répétition et retrouver un usage stable d’AdNauseam, il est vivement conseillé de basculer vers un navigateur respectueux de la vie privée, comme Firefox, Brave, ou LibreWolf. Ces navigateurs permettent une intégration complète d’AdNauseam sans restrictions ni manipulations particulières.
Installer AdNauseam sur Chromium : la méthode furtive
Commencez par télécharger l’archive adnauseam.chromium.zip
depuis la page officielle des releases GitHub. Une fois le fichier récupéré, extrayez-le dans un dossier (ne le supprimez surtout pas après l’installation, sous peine de voir l’extension désactivée au prochain démarrage).
Le dossier doit se nommer exactement adnauseam.chromium
Dans Chrome, rendez-vous sur chrome://extensions/
puis activez le mode développeur en haut à droite.
Cliquez ensuite sur « Charger l’extension non empaquetée » et sélectionnez le dossier adnauseam.chromium
que vous venez de décompresser. L’extension apparaît alors immédiatement dans votre liste.
Configuration recommandée pour utiliser AdNauseam
Pour passer sous les radars des régies publicitaires, inutile de tout casser. Il vaut mieux semer la confusion. Et pour ça, AdNauseam dispose de plusieurs réglages clés.
Activez le mode de clic automatique entre Rarement et Parfois. Cela permet de générer suffisamment de bruit pour polluer les algorithmes, sans éveiller de soupçons.

Pour que les publicités soient interceptées et cliquées, encore faut-il qu’elles puissent se charger. Dans les options avancées d’AdNauseam, pensez à désactiver le filtre « Blocage des logiciels malveillants ». Cela peut sembler contre-intuitif, mais ce filtre bloque aussi des scripts nécessaires à l’affichage de bannières publicitaires ou de bandeaux cookies. Sans eux, AdNauseam ne détecte rien et ne clique sur rien.
Assurez-vous également de désactiver tous les autres bloqueurs de publicités actifs (uBlock, Adblock, etc.). Sinon, ces extensions empêcheront les pubs d’apparaître avant même qu’AdNauseam puisse les intercepter. L’extension a besoin d’un certain « accès » aux éléments publicitaires pour les simuler correctement.

Vérifiez que toutes les bases de données de filtrage sont bien activées et à jour. Cela permet à AdNauseam de reconnaître un maximum de formats, scripts publicitaires et méthodes de tracking, et ainsi d’agir plus efficacement. Un brouillage réussi passe d’abord par une détection fiable.
Le AdVault : l’archive des publicités piégées
Le AdVault est l’interface centrale d’AdNauseam. C’est ici que sont listées toutes les publicités détectées, bloquées et cliquées en arrière-plan. Chaque annonce interceptée est enregistrée visuellement, avec ses métadonnées (type, domaine, état du clic), afin que l’utilisateur puisse consulter ce à quoi il a été exposé, même s’il ne l’a jamais vu à l’écran.

Dans l’exemple affiché, aucune publicité n’a été collectée lors de la dernière consultation, ce qui peut arriver sur des sites déjà visités récemment ou si le blocage des logiciels malveillants est activé, empêchant certains scripts de pub de se charger (paradoxalement, trop bloquer empêche de cliquer !). On remarque aussi que certaines pubs sont ignorées automatiquement : c’est le cas quand la fréquence de clic est configurée sur Rarement (permet de limiter la detection).
Le AdVault vous permet de visualiser la portée réelle du tracking publicitaire et de mieux comprendre ce qui circule en arrière-plan de votre navigation. Un peu comme un journal de guerre dans un combat algorithmique où chaque clic est une munition de brouillage.
Une censure ciblée : AdNauseam supprimé avant même uBlock Origin
AdNauseam n’est pas un bloqueur de pub comme les autres et c’est précisément pour cela qu’il a été le premier à être évincé du Chrome Web Store, dès janvier 2017. Là où uBlock Origin se contentait de masquer les publicités, AdNauseam les bloquait et simulait des clics aléatoires pour saboter activement les régies publicitaires.
Ce niveau de perturbation n’a pas plu à Google. Officiellement, l’extension violait la politique du store en interférant avec les publicités d’une manière non autorisée. Officieusement, elle remettait en cause la logique même du ciblage publicitaire, en polluant les algorithmes à la source. AdNauseam a été classé comme logiciel malveillant, empêchant même sa réinstallation en .crx.
Il aura fallu plus de 7 ans pour que uBlock Origin subisse à son tour des restrictions non pas pour sabotage, mais pour incompatibilité avec Manifest V3, la nouvelle politique d’extensions de Google. Ce n’est pas le blocage passif qui dérange le plus, mais le brouillage actif. Et sur ce terrain, AdNauseam reste l’un des rares outils à avoir été ciblé aussi tôt parce qu’il était (trop) efficace.
Quel est l’impact sur les régies publicitaires ?
En cliquant automatiquement sur les publicités bloquées, AdNauseam crée une illusion d’engagement qui trompe les régies publicitaires. Les algorithmes d’enchères en temps réel (RTB) s’appuient sur des données comportementales pour affiner le ciblage et ajuster la valeur d’un internaute. En générant des clics incohérents, l’extension introduit un bruit artificiel dans ces modèles : un utilisateur qui s’intéresse à tout et à rien, clique sur tout, mais ne convertit jamais. Le ciblage devient imprécis, les profils perdent en valeur et les annonceurs paient pour des audiences fictives.
À grande échelle, ce brouillage engendre une détérioration des performances publicitaires : baisse du taux de conversion, explosion du coût par clic réel, et méfiance des annonceurs envers les données collectées. Pour les plateformes, cela signifie des revenus potentiellement moindres et une remise en question du modèle de surveillance systématique comme moteur publicitaire.
L’arme anti-tracking passive mais redoutable
AdNauseam n’est pas une simple extension parmi tant d’autres : c’est un geste. Un pied de nez aux modèles publicitaires intrusifs, un outil qui transforme la passivité numérique en action réfléchie. Sa philosophie tient en une phrase : trop de données tue la donnée. À force de générer du bruit, elle rend les profils inexploitables, les clics imprévisibles, et le ciblage obsolète.
Dans un Web saturé de trackers, d’algorithmes et de profilage comportemental, refuser d’être analysé n’est plus suffisant. Il faut aussi désorienter, détourner, déjouer. AdNauseam ne cherche pas à fuir la publicité, mais à la rendre aveugle. En ce sens, il incarne une forme de désobéissance, un sabotage algorithmique profondément efficace.